Licenciement pour motif personnel lors de la période d’observation, procédure devant CPH
- Citation de l’employeur devant le Conseil de Prud’Hommes.
- principe: obligation de la tentative de conciliation devant le Conseil de Prud’Hommes
- exceptions du principe: la convocation directement devant le bureau du jugement
- Exception à la tentative de conciliation: la procédure de contestation des relevés salariaux.
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- article L. 621-128 du code de commerce
- établissement des relevés salariaux et les délais
- étendu et conditions de la garantie de l’AGS
- demandes du salarié de la SARL X concernant des créances salariales
- Omission de la conciliation devant la CPH.
L’un des objectifs de la procédure de redressement est le maintien de l’emploi (article L. 620-1 code du commerce). La procédure du licenciement pour motif économique lors de la période d’observation est formelle : le licenciement doit être autorisé par le juge-commissaire (article L. 621-37 du code de commerce).
L’administrateur peut procéder à un licenciement économique que si ce licenciement présente un caractère urgent, inévitable et indispensable. Dans le cadre de la procédure simplifié, à défaut de nomination de l’administrateur judiciaire, c’est le débiteur qui est compétent pour procéder au licenciement (l’article L. 621-137 alinéa 2 du code de commerce).
Le licenciement économique prononcé sans autorisation du juge-commissaire est irrégulier. Le débiteur ou l’administrateur s’il est nommé, doit consulter le comité de l’entreprise, à défaut soit les délégués du personnel soit le représentant des salariés. Cette consultation est un préalable indispensable à la procédure du licenciement, mais il est nécessaire d’observer à la fois les règles de droit commun du licenciement économique : obligation de convoquer tous les membres du comité de l’entreprise et respect d’un délai préalable. Après l’ordonnance du juge-commissaire, le débiteur, ou l’administrateur judiciaire, envoie les lettres de licenciements et doit faire application de toutes les règles propres au droit commun du licenciement.
L’autorisation du juge-commissaire est nécessaire pour procéder au licenciement économique, cependant le législateur n’a rien disposé en ce qui concerne le licenciement pour motif personnel. En effet, pour apprécier le motif d’un licenciement économique il est nécessaire d’analyser la situation économique de l’entreprise liée directement avec la procédure de redressement ouverte. Le licenciement pour motif personnel est laissé à l’appréciation du débiteur; il constitue un acte de la gestion courante (article L. 621-23 du code de commerce). Ce n’est que dans l’hypothèse où l’administrateur judiciaire a pour mission d’assurer seul l’entière administration de l’entreprise (article L. 621-22 alinéa 2, 3°) que sa décision est nécessaire.
Ainsi, le licenciement pour motif personnel est dispensée de l’autorisation du juge-commissaire et laisse l’appréciation du motif du licenciement à l’employeur (débiteur) lui-même. Toutefois le débiteur doit respecter l’ensemble de la procédure du code du travail (convocation à entretien préalable, entretien préalable, assistance du salarié, lettre du licenciement et délai à respecter).
1. |
Citation de l’employeur devant le Conseil de Prud’Hommes. |
Quant à la procédure devant le Conseil de Prud’Hommes il est un principe que les différends sont réglés d’abord par voie de conciliation, puis lorsque celle-ci a échouée, ils sont jugés devant le bureau du jugement. Dans certains cas, lors de la procédure du redressement judiciaire, les litiges soumis au CPH peuvent être portés directement devant le bureau du jugement 1. Mais ces exceptions doivent être interprétées strictement.
En pratique, dans la plupart des cas où l’employeur est sous redressement judiciaire, le greffe du CPH convoque les parties directement devant le bureau du jugement. Cependant toutes les exceptions permettant d’éviter la tentative de conciliation sont prévues précisément par le législateur.
A défaut du respect de ces exceptions, lors de l’audience devant le bureau du jugement, l’exception de nullité de procédure d’ordre public peut être soulevée.
a. |
principe: obligation de la tentative de conciliation devant le Conseil de Prud’Hommes: |
La tentative préalable de conciliation devant le bureau de conciliation est un principe de procédure devant le CPH. L’article L. 511-1 alinéa 1 du code du travail dispose que «les Conseils de Prud’hommes (…) règlent par voie de conciliation les différends qui peuvent s’élever à l’occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions du code de travail entre les employeurs ou les représentants, et les salariés qu’ils emploient; et ils jugent les différends à l’égard desquels la conciliation n’a pas abouti». D’abord c’est le bureau de conciliation qui entend les parties en leurs explications et s’efforce de les concilier.
Ainsi, tout litige qui est portée devant le Conseil de Prud’hommes doit être soumis en premier lieu devant le bureau de conciliation ( d’après notamment de l’article L. 511-1 du code du travail), cette conciliation constitue un préalable obligatoire dont l’absence entraînerait une nullité d’ordre public de la procédure 2.
b. |
exceptions du principe: la convocation directement devant le bureau du jugement: |
Cependant, il y a des contestations qui peuvent être soumises directement au bureau du jugement. Mais ces exceptions doivent être interprétées strictement, telles qu’elles ont été prévues par le législateur.
- l’hypothèse du redressement judiciaire ouvert à l’encontre de l’employeur
Dans l’hypothèse de la procédure de redressement judiciaire, l’employeur peut être convoqué directement devant le bureau de jugement dans les cas énumérés par l’article L. 621-128 du code de commerce.
Celui-ci dispose, que les litiges soumis au Conseil de Prud’hommes en application des articles L. 621-125 (concernant le salarié dont la créance ne figure pas en tout ou en partie sur le relevé des créances peut saisir à peine de forclusion le Conseil de Prud’hommes dans le délai de deux mois à compter de l’accomplissement de la mesure de publicité nécessaire de l’alinéa 1) et L. 621-127 (concernant le salarié qui s’est vu refusé le paiement de la créance figurant sur le relevé des créances résultant du contrat de travail pour quelque cause que ce soit) sont portés directement devant le bureau de jugement. Dans les deux hypothèses la citation doit être dirigée contre l’AGS qui garantit les créances salariales. L’entreprise ou l’administrateur, mais uniquement lorsqu’il a pour mission d’assurer l’administration de l’entreprise, sont mis en cause.
- autres exceptions
Peuvent être dirigés directement devant le bureau du jugement les contestations soumises au juge des référés et les litiges dont la loi prévoit qu’ils sont soumis directement devant le bureau de jugement statuant en la forme de référé, comme les recours contre l’employeur refusant d’accorder un congé sabbatique, un congé de création de l’entreprise (L. 122-32-23 code du travail), un congé de formation économique, sociale et syndicale (L. 451-3 code du travail), les recours contre les salariés administrateurs élus par les salariés (L. 225-33 code du commerce).
Il existe aussi la possibilité de renvoi immédiat devant le bureau de jugement. Ce renvoi d’une affaire du bureau de conciliation à une audience immédiate du bureau de jugement peut être effectué qu’avec l’accord des parties, en application de l’article R 516-20 du code du travail 3.
S’il est admis par la jurisprudence, que le bureau du jugement est la seule formation du Conseil de Prud’hommes compétent pour connaître des litiges opposant les salariés aux institutions devant garantir leurs créances (c’est la procédure de contestation de relevés salariales dans l’hypothèse du RJ) et exclue non seulement la compétence du bureau de conciliation, mais aussi celle de la formation en référé. Mais telle n’est pas la contestation de la cause de son licenciement par le salarié.
Il faut poser la question différemment: est-ce que la seule ouverture de la procédure du redressement judiciaire suffit pour qu’il soit possible de citer l’employeur directement devant le bureau du jugement pour toutes causes, sans tentative de conciliation préalable?
2. |
Exception à la tentative de conciliation: la procédure de contestation des relevés salariaux. |
L’article L. 621-128 du code de commerce (entreprise en redressement judiciaire) dispose, que ne sont pas soumises à conciliation préalable les contestations portant sur le relevé des créances en matière de redressement ou liquidation judiciaire.
Ces contestations sont soumises directement au bureau du jugement du CPH.
a. |
article L. 621-128 code du commerce: |
Cet article énumère strictement deux exceptions à la tentative de conciliation devant le CPH 4. Ainsi, il ne permet pas de citer l’employeur en redressement judiciaire directement devant le bureau du jugement pour toutes les causes.
Les deux exceptions sont: le cas où la créance ne figurerait pas en tout ou en partie sur un relevé des créances salariales (l’article L.621-125 code du commerce) et le cas où l’AGS refuserait de régler la créance figurant sur un tel relevé (l’article L. 621-127 code du commerce).
- la créance ne figurant pas sur le relevé
Dans première hypothèse (l’article L.621-125), lorsque le salarié veut contester l’absence de sa créance sur un relevé, le relevé correspondant aux créances concernées doit être établi pour que le salarié puisse saisir le Conseil de prud’hommes 5 (en théorie il y a quatre différents relevés des créances salariales, point b).
- le refus de paiement de la créance
Dans la deuxième hypothèse (l’article L. 621-127), la créance devait figurer sur le relevé des créances salariales, ainsi elle devait être déjà établie et certaine pour y figurer, et l’AGS a refusé de la régler.
L’AGS a la possibilité de refuser sa garantie pour tout ou partie des créances salariales figurant sur les relevés, qui lui sont transmis (ex.: lorsqu’elle considère que la créance qui figure sur la relève est excessive, soit dépasse le plafond de couverture, soit que la créance ne peut pas bénéficier de garantie). Elle doit faire connaître le refus, avec le montant et les motifs, au représentant des créanciers et au salarié concerné, qui peut saisir le Conseil de prud’hommes – le bureau du jugement est dès lors le seul compétent, et l’action est dirigée contre l’AGS. Par suite, si le Conseil de Prud’hommes estime que le refus de l’AGS n’est pas fondé, l’AGS est obligé de verser les fonds correspondant au représentant des créanciers, qui les verse au salarié.
b. |
établissement des relevés salariaux et délais: |
Les contestations concernant l’omission d’une créance salariale sur un relevé de créances sont liées directement avec l’établissement de ce relevé. Ces contestations peuvent être invoquées par le salarié lorsque le relevé où la créance devait figurer est déjà établi.
Il y a quatre différents relevés des créances salariales qui peuvent être dressés et les délais de leur établissement dépendent des créances qu’ils concernent (article L. 143-11-7 code du travail).
- les délais d’établissement des relevés salariaux
Le premier relevé doit être établi dans les 10 jours suivant le jugement d’ouverture. Il couvre toutes les sommes salariales bénéficiant du super privilège et qui sont dues au jour de jugement d’ouverture.
Le deuxième qui couvre toutes les sommes dues au jour de jugement d’ouverture mais qui ne sont pas garanties par le super privilège, doit être établi dans les trois mois du jugement d’ouverture.
Le troisième concernant les créances relatives à la poursuite de l’activité de l’entreprise, ainsi créances de salaires et de congés payés dus au titre de la période d’observation, soit au titre de 15 jours qui suivent le jugement de liquidation judiciaire et pendant le période de maintien de l’activité (article L. 143-11-1 3° du code du travail) doit être établi dans les 10 jours qui suivent l’expiration des périodes garanties (c’est l’hypothèse où le tribunal prononce la liquidation judiciaire).
Enfin, le quatrième, qui couvre les autres créances nées de la continuation d’exploitations mais qui ne bénéficient pas du super privilège, doit être établi dans les trois mois qui suivent l’expiration de la période de garantie (l’article L. 143-11-1, 2° du code du travail concernant la rupture de contrat de travail lors de la période d’observation et après; l’expiration des périodes de garantie intervient : à la fin de période d’observation, un mois après le jugement arrêtant le plan de redressement, 15 jours après le jugement de liquidation et à la fin du maintien provisoire de l’activité prononcé par le jugement de liquidation).
Notamment, ce quatrième relevé pose des controverses dans la doctrine et la jurisprudence. D’après le texte de l’article L. 143-11-1, 2° il n’est pas constant, si ce relevé couvre les créances nées de la rupture du contrat de travail que dans l’hypothèse où la liquidation judiciaire interviens après la période d’observation ou s’il couvre ces créances même dans le cas de la poursuite de l’activité de l’employeur (point c): l’étendu de la garantie de l’AGS).
- la forme des relevés
Les relevés de créances sont établis par le représentant des créanciers. Ils indiquent l’identité du salarié, le caractère de son contrat du travail, les dates, l’emploi, les qualifications, l’exercice du mandat social, s’il en a, éventuellement la date de rupture du contrat de travail (avant JO), le montant des salaires et les sommes déjà versées. Après, les relevés sont soumis au représentant des salariés, ils sont visés par le juge-commissaire, déposés au greffe du tribunal et font objet d’une mesure de publicité (L. 621-125 code du commerce). Cette publicité est faite au plus tard dans les trois mois après l’expiration de dernière période de garantie telles que prévues dans l’article L. 143-11-1 du code du travail (l’article 78 du décret du 27 déc. 1985). Le salarié qui veut contester le relevé des créances peut le faire dans les deux mois à compter de l’accomplissement de la mesure de publicité de relevé salariale (ce délai de deux mois est un délai de forclusion). Le représentant des créanciers informe chaque salarié de la nature et du montant des créances admises ou rejetées et indique la date du dépôt au greffe du relevé des créances.
Ainsi, la citation de l’AGS et la mise en cause de l’employeur, en raison de l’omission d’une créance salariale sur le relevé, est irrecevable avant le dépôt du relevé des créances où elle doit figurer. Si le salarié agit avant le dépôt de relevé correspondant à sa créance (L. 143-11-7 code du travail), la saisine de la juridiction prud’homale est prématurée et sa demande est considérée comme irrecevable 6.
c. |
étendu et conditions de la garantie de l’AGS: |
- les sommes dues au jour de l’ouverture de la procédure
La garantie de l’AGS concerne tous les salariés et couvre les sommes dues au salarié par l’employeur en exécution du contrat de travail et qui restent dues au jour du prononcé du jugement d’ouverture de redressement judiciaire (article L. 143-11-1 alinéa 2, 1° du code du travail). Cette garantie concerne toutes les sommes dues aux salariés en exécution de contrat de travail: le salaire et ses accessoires – par ex.: les commissions sur les chiffres d’affaires (article L. 143-10 code du travail), l’indemnité compensatrice de préavis, des indemnités de congés payés (article L. 143-11 code du travail), des indemnités de licenciements, de précarité d’emploi (l’article L. 124-4-4 code du travail), les indemnités allouées à la victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle (les articles L. 122-32-6, L. 122-32-7, L. 122-32-9 code du travail).
- les sommes résultant de la rupture du contrat de travail
L’AGS garantie aussi les créances résultant de la rupture du contrat de travail qui interviennent pendant la période observation et dans le mois suivant le jugement qui arrête le plan de redressement (article L. 143-11-1 al. 2, 2° code du travail) mais que dans l’hypothèse où la liquidation judiciaire intervient 7, et les créances résultant de la rupture du contrat de travail intervenant dans les 15 jours suivant le jugement de liquidation et pendant le période de maintien provisoire de l’activité prévue dans le jugement de liquidation.
En ce qui concerne la garantie des créances résultant de la rupture du contrat de travail, il n’est pas si évident d’après le seul texte de l’article L. 143-11-1, que la liquidation judiciaire doit suivre la période d’observation pour que l’AGS puisse les prendre en charge. Mais telle solution est la plus évidente: aussi longtemps que l’employeur continue l’activité, il paye tout seul des créances nées postérieurement au jugement d’ouverture de la procédure collective (article L. 621-32 du code de commerce), ce qui s’applique par analogie aux créances salariales. En conséquence l’AGS ne devrait pas être appelée pour le paiement des créances nées régulièrement après le jugement d’ouverture. Elles sont payées à leur échéance 8. La même position est prise par la Cour de Cassation, qui a décidé qu’il résulte de l’article L. 143-11-1 du code du travail, que «lorsqu’une créance est due à un salarié pendant la période d’observation, cette créance est exclue de la garantie dès lors que la liquidation judiciaire de l’employeur n’a pas été prononcée» 9.
- la garantie dans l’hypothèse de la liquidation
Lorsque le tribunal prononce la liquidation judiciaire, l’AGS garantie les sommes dues (article L. 143-11-1 al. 2, 3° code du travail) au cours de la période observation, dans les 15 jours suivants le jugement de liquidation, et pendant le maintien provisoire de l’activité autorisé dans le jugement de liquidation.
Si la procédure de contestations de relevé des créances salariales est engagée par un salarié, l’employeur et l’administrateur judiciaire sont mis en cause à côté de l’AGS. La convocation est faite ici directement devant le bureau du jugement. Quant à l’AGS, elle peut être citée que pour le paiement d’une fraction qu’elle garantit. La Cour de Cassation a jugé, que dès lors que le Conseil de Prud’Hommes est saisi non d’un litige relatif au refus de l’AGS de régler une créance résultant d’un contrat de travail, mais de la demande de salarié tendant au paiement d’une fraction non garantie par cette institution des sommes dues au titre de la poursuite et de la rupture de leur contrat de travail postérieurement au prononcé de redressement judiciaire de l’employeur, le juge de référé reste compétent pour en connaître, et par analogie le bureau de conciliation 10. Quant à l’employeur, celui-ci ne peut être mis en cause qu’en présence de l’AGS. Quant à l’administrateur judiciaire, il peut être mis en cause que s’il a pour mission d’assurer l’administration de l’entreprise (mission de l’article L. 621-22 alinéa 2 point 3).
d. |
demandes du salarié concernant des créances salariales: |
En résumé, dans le cas de la procédure de redressement judiciaire de l’employeur, le salarié peut le citer directement devant le bureau du jugement du CPH si:
- les créances dont il demande le paiement sont établies, c’est à dire certaines: nées avant le jugement d’ouverture ou établies par décision de justice définitive (CA de Montpellier: par l’article L. 621-128 le législateur a voulu accélérer le paiement des créances salariales, que pour celles qui sont déjà certaines, établies par décision de justice définitive et pour cette hypothèse a permis de déroger aux règles générales de la procédure devant CPH: la tentative de conciliation),
- le relevé des créances où celles-ci devaient figurer est dressé, la contestation doit concerner en principe le relevé,
- ces créances sont garanties par l’AGS, qui est aussi citée.
Or, si le salarié cite directement celle-ci devant le bureau de jugement, il faut admettre que soit sa créance salariale, établie et certaine, ne figurait sur le relevé des créances salariales déjà dressé, soit elle y figurait et l’AGS a refusé son paiement. Et tel n’est pas le cas quand le salarié conteste principalement la cause de son licenciement.
Si le salarié conteste la cause de son licenciement, ses demandes peuvent être, en général, reparties en groupes: les sommes dont il réclame le paiement mais qui ne sont pas encore certaines (ex.: créances liées à la cause de son licenciement, ainsi: indemnité de préavis, congés payés sur préavis, dommages intérêts pour rupture abusive, congés payés afférents, rappel congés payés); créances nées postérieurement au jugement d’ouverture (ex.: commission sur le chiffre d’affaire et son salaire à partir du jugement d’ouverture); créances nées antérieurement au jugement d’ouverture (ex.: commission sur chiffre d’affaires et salaires).
Et ces demandes devraient être soumises d’abord à la tentative de conciliation et à défaut au bureau du jugement, sauf la petite partie concernant les salaires nés avant le jugement d’ouverture, qui a d’ailleurs bien été prise en charge par l’AGS. Que seulement pour cette dernière demande l’employeur pourrait être cité directement devant le bureau du jugement.
- créances résultant du licenciement sans cause réelle et sérieuse
Le salarié demande, en pratique, le paiement des sommes auxquelles il aurait droit dans l’hypothèse d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse (il conteste la cause de la rupture de son contrat de travail).
Aux termes de l’article L. 621-125 du code de commerce, la contestation qui peut être dirigée directement devant le bureau du jugement doit concerner l’omission d’une créance sur le relevé des créances 11. Toutefois on peut parler de l’omission dans l’hypothèse où la créance est établie et certaine, sinon elle ne peut être omise car elle n’existe pas et ne peut être située sur le relevé des créances, et même: elle ne peut être garantie par l’AGS. Les créances, dont le salarié demande le paiement «n’existent pas» et pour qu’elles soient établies, il faut d’abord prouver l’absence de faute lourde du licenciement.
L’action en réparation du préjudice causé par l’irrégularité de fond de la procédure du licenciement et distincte de celle prévue dans l’article L. 621-125 et ne concerne par la contestation de relevé des créances. Ainsi les règles générales du droit prud’homale doivent s’appliquer (la tentative de conciliation).
Même dans l’hypothèse, que ces créances soient établies, elles sont garanties par l’AGS que si la période d’observation est suivie de la liquidation judiciaire, et non lorsque la société est toujours en pleine activité en période d’observation. Dans la même hypothèse le salarié pourrait citer son employeur et l’AGS que lorsque le relevé couvrant les créances résultant de la rupture du contrat de travail serait établie, et celui doit être établi dans les trois mois qui suivent l’expiration de période de garantie (le période d’observation), à défaut sa demande est irrecevable.
- créances nées postérieurement au JO
Quant aux créances nées postérieurement au jugement d’ouverture, ce sont les créances qui résultent de la poursuite de l’activité de l’employeur, qui les acquitte à leurs échéances. L’AGS les garantit que lorsque le tribunal prononce la liquidation judiciaire après la période d’observation. Pareil, le relevé de créances ne peut être contesté puisqu’il n’est pas encore établi: il est dressé dans les dix jours suivant le jugement de liquidation.
Ainsi, si le salarié pour prétendre au paiement de ces créances litigieuses, doit s’adresser directement à l’employeur, et la tentative de conciliation est un préalable obligatoire.
3. |
Omission de la conciliation devant le CPH. |
La tentative de conciliation est un principe de procédure devant le Conseil de Prud’Hommes. Son omission, hors exceptions qui existent, constitue la nullité d’ordre public de la procédure.
La conciliation préalable est une formalité substantielle et d’ordre public. Telle est la position de la Cour de Cassation, qui la confirme dans plusieurs décisions. Ainsi, il a été jugé que «le préliminaire de conciliation en matière prud’homale tient à l’essence même de l’institution» 12, que «la conciliation constitue une formalité substantielle» 13 et «qu’elle constitue une formalité d’ordre public» 14.
L’omission de la conciliation est sanctionnée par une nullité de procédure d’ordre public 15 et même la recevabilité de l’action en annulation n’est pas subordonnée à l’existence d’un préjudice 16. Les Conseils de Prud’hommes ne peuvent pas, sans excéder leur pouvoir, se saisir d’un différend qui n’a pas été préalablement soumis à la tentative de conciliation.
La procédure devant les juridictions statuant en matière prud’homale est régie par les dispositions du livre 1er du NCPC (article R. 516-0 code du travail), la nullité ne doit pas être prévue par la loi (l’art. 114 NCPC), la partie qui invoque cette nullité doit prouver qu’elle lui a causé grief. La nullité de procédure d’ordre public, étant une exception de la procédure, doit être à peine d’irrecevabilité soulevée avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir, elle peut, sous cette réserve, être encore soulevée devant le bureau de jugement (article R. 516-38 code du travail).
L’absence de la tentative de conciliation peut être soulevée même devant la Cour de Cassation mais à condition, que la partie se soit prévalue devant le Conseil de Prud’Hommes d’une telle irrégularité de la procédure avant de défendre au fond 17.
Ainsi, au dehors des exceptions qui sont prévus par le législateur et qui permettent de convoquer l’employeur directement devant le bureau du jugement, peu importe qu’à l’encontre de celui-ci le jugement d’ouverture de la procédure collective ait été prononcé, l’omission de la tentative de conciliation vicie toujours la procédure prud’homale. La conciliation reste un principe préalable et essentiel.
Or, dans l’hypothèse de redressement ou liquidation judiciaire, la conciliation n’est pas un préalable que lorsqu’un salarié conteste le relevé de créances salariales.
1. article L. 621-128 code du commerce
2. Ed. F. Lefebvre Mémento du droit social n° 2312
3. C. Cass. (Ch. soc.), 9 mai 1990 09/05/90
4. C. Appel de Montpellier, Ch. soc. 05/11/1987: «Le législateur, qui entendait accélérer le paiement par les organismes concernés des créances des salariés définitivement établies a dérogé aux règles générales du droit prud’homal; il y a donc lieu d’interpréter strictement l’article 126 de la loi 25 janvier 1985 qui écarte la compétence du bureau de conciliation et de la formation de référé au profit du seul bureau du jugement.»
5. L. 621-125 code du commerce et L. 143-11-7 code du travail
6. telle décision: C. Appel de Versailles 5e Chambre sociale, 24/02/1989: «S’il résulte des dispositions de l’article 123 de la loi du 25 janvier 1985 que le CPH ne peut être saisi en tout ou en partie sur le relevé des créances salariales, aux fins de voir reconnaître les créances qu’il invoque, qu’après le dépôt du relevé des créances salariales, la fin de non-recevoir tirée de la saisine prématurée de la juridiction prud’homale est couverte par ce dépôt ou l’expiration de délai imparti pour y procéder, dont l’inobservation ne peut nuire au salarié.»
7. L. 143-11-1 al. 2, 2° code du travail: «l’assurance couvre: 2° les créances résultant de la rupture des contrats de travail intervenant pendante la période d’observation, dans le mois suivant le jugement qui arrête le plan de redressement, dans les quinze jours suivant le jugement de liquidation et pendant le maintien provisoire de l’activité autorisé par le jugement de liquidation judiciaire»
8. Dictionnaire permanent du droit social : Difficultés des entreprises n° 112
9. C. Cass. soc. 06/07/1999; mais cependant il y a aussi des positions différentes, par ex.: Ed. F. Lefebvre n° 8556 et C. Cass. 20/05/1992: «selon l’article L. 143-11-1-1° et 2° C. tr., l’assurance couvre les sommes dues aux salariés à la date du jugement d’ouverture de toute procédure de redressement judiciaire et les créances résultant de la rupture de contrats de travail intervenant pendant la période d’observation; viole ce texte la Cour d’Appel qui exclut la garantie de l’AGS en ce qui concerne le paiement de rappels de salaire et des dommages intérêts pour la rupture abusive de contrat de travail à des salariés licenciés par un club sportif à la suite de sa mise en redressement judiciaire et redevenue in bonis, alors que la Cour constate que les créances dont elle a fixé le montant concernent, d’une part, des rappels de salaire dus à la date de l’ouverture de la procédure collective et, d’autre part, des indemnités résultant de la rupture du contrat de travail intervenue pendant la période d’observation»
10. C. Cass. Soc. 7/10/1998
11. et les exceptions sont interprétées strictement, CA Montpellier
12. C. Cass. soc. 09/01/1953
13. C. Cass. soc. 06/07/1978
14. C. Cass. soc. 06/04/1957
15. C. Cass. soc. 31/05/1957
16. C. Cass. soc. 28/10/1954
17. C. Cass. soc. 10/11/1988